En tant que professionnel de la restauration, vous êtes sur le point de faire face à un changement majeur dans votre secteur. D’ici 2025, une nouvelle réglementation vous obligera à signaler explicitement sur vos cartes les plats qui ne sont pas “faits maison”. Cette mesure, annoncée par Olivia Grégoire, ministre déléguée en charge de la Consommation, du Commerce et de l’Artisanat, vise à apporter plus de transparence aux consommateurs et à valoriser le travail des restaurateurs qui cuisinent sur place.
Contexte et raisons du changement
Le label “fait maison”, créé en 2014, n’a pas rencontré le succès escompté. Facultatif et peu utilisé, il n’a pas réussi à s’imposer comme un repère fiable pour les consommateurs. Face à ce constat, le gouvernement a décidé d’agir pour renforcer la transparence dans le secteur de la restauration.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte plus large de demande croissante de transparence et de qualité de la part des consommateurs. Dans un pays réputé pour sa gastronomie, il est devenu “impossible de ne pas clairement informer le consommateur”, selon les mots de la ministre.
Détails de la nouvelle réglementation
La nouvelle mesure concernera les quelque 175 000 restaurants de France. Contrairement au système actuel qui est déclaratif et volontaire, la nouvelle norme sera une obligation. Vous devrez indiquer clairement sur vos cartes les plats qui ne sont pas préparés sur place.
Le gouvernement envisage différentes formes pour cette signalisation, comme un astérisque ou un logo. La forme exacte n’est pas encore arrêtée et fera l’objet de concertations avec les professionnels du secteur dans les mois à venir.
Implications pour les restaurateurs
Ce changement réglementaire aura des répercussions significatives sur votre activité quotidienne. La première étape consistera à revoir l’ensemble de votre carte pour identifier clairement les plats qui ne sont pas entièrement préparés sur place. Cela impliquera un examen minutieux de vos processus de préparation et de vos sources d’approvisionnement.
Vous devrez probablement repenser votre stratégie d’approvisionnement. L’utilisation de produits pré-préparés ou industriels devra être clairement indiquée, ce qui pourrait vous inciter à privilégier davantage les produits frais et locaux. Cette transition peut représenter un défi, notamment en termes de gestion des coûts et de logistique, mais elle peut aussi être une opportunité de renforcer la qualité de votre offre.
La mise en conformité avec cette nouvelle réglementation nécessitera également une formation approfondie de votre personnel. Vos équipes en cuisine devront être parfaitement au fait des critères définissant un plat “fait maison”, tandis que votre personnel en salle devra être capable d’expliquer ces distinctions aux clients.
L’impact sur votre image de marque est un aspect crucial à considérer. Si votre établissement mise déjà sur le fait maison, cette réglementation pourrait renforcer votre positionnement. En revanche, si vous utilisez fréquemment des produits pré-préparés, vous devrez peut-être revoir votre stratégie de communication et votre offre pour éviter un impact négatif sur votre réputation.
Bénéfices attendus
Malgré les défis qu’elle représente, cette nouvelle réglementation offre aussi des opportunités. Pour les consommateurs, elle apportera une transparence accrue, leur permettant de faire des choix plus éclairés. Cette clarté pourrait renforcer la confiance entre les clients et les restaurateurs, bénéficiant à l’ensemble du secteur.
Pour vous, restaurateurs qui privilégiez déjà le fait maison, cette mesure pourrait être un véritable atout. Elle vous permettra de valoriser votre savoir-faire et votre engagement pour la qualité auprès de votre clientèle. C’est l’occasion de vous démarquer et de justifier potentiellement des tarifs plus élevés, reflétant la qualité supérieure de vos plats.
À plus grande échelle, cette initiative vise à renforcer la réputation de la gastronomie française. En encourageant la cuisine sur place et l’utilisation de produits frais, elle contribue à préserver et à promouvoir l’excellence culinaire française, un atout majeur pour le tourisme et l’économie du pays.
Réactions et défis à venir
L’accueil globalement positif de cette mesure ne doit pas occulter les défis qui l’accompagnent. Si la plupart des professionnels du secteur saluent cette initiative, certains s’interrogent sur sa mise en œuvre pratique. Franck Chaumès, président national de la branche restauration à l’Umih, souligne : “Nous voulons davantage de légitimité reconnue pour celui qui fait maison, sans opposer les styles de restauration”. Cette remarque met en lumière la nécessité d’une approche équilibrée qui valorise le fait maison sans pour autant stigmatiser les autres formes de restauration.
La définition précise de ce qui constitue un plat “fait maison” reste un sujet de débat. Bien que le label existant depuis 2014 ait déjà établi certains critères, la nouvelle réglementation pourrait être l’occasion de les affiner. Par exemple, la question des produits surgelés, actuellement inclus dans la définition du fait maison (à l’exception des frites surgelées), pourrait être réexaminée.
La formation et l’adaptation du personnel seront des enjeux majeurs pour les établissements qui souhaitent augmenter leur offre de plats faits maison. Comme le souligne Stéphane Vaillant, restaurateur à Bordeaux : “On compte sur le bon goût du client. Je pars du principe qu’on fait de la cuisine de qualité avec de bons produits frais et travaillés sur place”. Cette approche nécessite des compétences spécifiques et un investissement en temps et en formation.
L’impact économique de cette mesure sera également à surveiller de près. Dans un contexte d’inflation et de hausse des coûts de l’énergie, la transition vers plus de plats faits maison pourrait représenter un défi financier pour certains établissements. Cependant, comme le souligne Olivia Grégoire, cette mesure pourrait aussi être “bonne pour le moral des restaurateurs qui se donnent du mal pour offrir des plats maison à leurs clients”.
Les mécanismes de contrôle et les sanctions éventuelles restent à définir. Guillaume Karbarian, député et membre de la Commission des affaires économiques, souligne la nécessité de “réfléchir à la nature des futurs mécanismes de contrôle”. L’efficacité de cette nouvelle réglementation dépendra en grande partie de la capacité des autorités à la faire respecter.